De plus en plus utilisée en médecine, l’hypnose est devenue, au fil des années, un outil thérapeutique faisant même son entrée dans les blocs opératoires. Alors, comment les médecins utilisent-ils cette technique et surtout dans quels cas ?
L’état hypnotique
L’état hypnotique est un phénomène spontané et normal. Le médecin peut se servir de ce phénomène naturel dans un but thérapeutique. Cela demande la coopération complète du patient.
Il peut arriver que l’on soit en état d’hypnose plusieurs fois par jour. Le plus souvent, sans le savoir ! Lorsque ce phénomène naturel survient, on dit que l’on est «en transe». Selon les spécialistes de l’hypnose, on peut entrer en transe de manière spontanée par exemple quand on fait un jogging ou encore qu’on conduit sur une autoroute chargée. L’état hypnotique peut donc survenir naturellement et régulièrement chez la plupart d’entre nous. Le mécanisme de l’hypnose reste un mystère. On sait seulement qu’il y a une altération de la volonté, de la conscience et de la mémoire.
Quand l’hypnose s’introduit dans les blocs opératoires
Dans les blocs opératoires, l’hypnose est de plus en plus utilisée… On connaît l’hypnose pour arrêter de fumer, perdre du poids ou lutter contre l’anxiété, mais l’hypnose est aussi utilisée en dermatologie, dans le traitement de la douleur (par exemple en soins palliatifs)… L’hypnose est même utilisée en chirurgie. La méthode présente de nombreux intérêts et ses applications thérapeutiques se multiplient.
L’hypnose est une technique de plus en plus utilisée en chirurgie, dans les blocs opératoires, les actes médicaux douloureux comme une endoscopie ou le changement de pansements chez les grands brûlés. L’hypnose est adaptée pour les enfants mais aussi pour les adultes pour les chirurgies plastique ou abdominale. Des études sont en cours afin de mieux connaître les zones du cerveau où l’hypnose agit. L’activité du cerveau pendant l’hypnose est elle aussi étudiée. Précisons que l’hypnose est utilisée à la demande du patient uniquement. Un médecin ne peut absolument pas l’imposer à ses malades.
Pour l’instant l’hypnose n’est pas une science précise. Il est impératif de régir la formation des médecins. Tout le monde ne peut et ne doit pas pratiquer l’hypnose.
Pour se former à l’hypnose, il y a la théorie mais surtout la pratique. Pendant la formation, la plupart des exercices sont réalisés en binôme. Les élèves jouent tour à tour le rôle du thérapeute et celui du patient. Ils sont filmés, puis la vidéo est analysée.
Le principe est toujours le même. L’exercice vise à résoudre un problème ou atteindre un objectif. À la fin de la formation, les élèves reçoivent un diplôme reconnu au niveau européen. Ils peuvent alors pratiquer l’hypnose avec leurs patients.
La formation privée d’une semaine réservée aux professionnels de santé coûte 1.300 euros. Il en existe d’autres plus longues et plus chères. Une formation publique est aussi proposée dans 14 universités. Elle s’adresse aux médecins, aux internes et aux psychologues cliniciens. Avant de consulter un hypnopraticien, assurez-vous qu’il s’agit bien d’un professionnel de la santé et n’hésitez pas à lui demander quelle formation il a suivie.
L’hypnose pour lutter contre le stress et l’anxiété
L’hypnose est très utilisée pour soulager les problèmes de stress et l’anxiété. «Chez les personnes anxieuses, le passage par le corps est essentiel. Quand elles portent attention au corps, à la sensation qui leur vient, tout de suite la pensée s’arrête. On n’est plus dans le ressassement donc dans l’anxiété, mais on est davantage dans la sensation qui vient. Sensation qui en général devient de l’apaisement très rapidement», explique Pascale Chami, psychologue et hypnothérapeute. Selon Pascale Chami, l’hypnose «s’inscrit dans les thérapies brèves, le but étant que les personnes repartent rapidement avec une autonomie». Les hypnothérapeutes n’hésitent donc pas à encourager la pratique de l’autohypnose. Dans l’état d’hypnose, l’inconscient occuperait l’avant-plan, laissant en veilleuse le conscient habituellement hyperactif. Grâce à l’expertise du thérapeute et aux techniques de l’hypnothérapie, on pourrait rendre accessibles au sujet des ressources peu exploitées de son cerveau, en activant notamment ses pouvoirs d’autoguérison.
La plupart des théories psychologiques considèrent que de nombreux problèmes personnels et relationnels ont leur source dans l’inconscient. C’est là que sont stockées des centaines de milliers de données qui contrôlent une grande partie de nos existences. Des diktats familiaux ou culturels, par exemple, peuvent avoir été tellement assimilés par l’inconscient qu’ils donnent lieu à des « comportements appris » si intégrés qu’ils orientent nos choix de vie pendant des années sans que nous en soyons vraiment « conscients ».
L’hypnothérapeute invite donc l’inconscient du sujet à se défaire de ses idées nuisibles et à les remplacer par des idées plus justes ou qui correspondent mieux à ses valeurs. Entre les séances d’hypnose, le sujet est appelé à mener un certain travail personnel, selon le type de problème en cause, parfois avec un enregistrement audio, parfois en autohypnose (voir nos fiches training autogène et sophrologie). Ce travail de renforcement et les suggestions dont l’inconscient continue d’alimenter le conscient contribueraient à graduellement modifier les comportements problématiques.
De plus, pendant une séance d’hypnose, on pourra créer un « ancrage » qu’il sera possible de réactiver au besoin. Par exemple, une personne qui désire cesser de grignoter entre les repas pourra, pendant l’hypnose, associer le mot stop suivi d’une profonde respiration à un état de satiété et de calme. Plus tard, durant une rage de croustilles, elle pourra s’arrêter, dire stop, et respirer afin que l’appel intérieur soit transformé, passant de « il me faut des croustilles » à « ça va aller ».
L’autohypnose
Après avoir suivi une formation de base ou simplement en écoutant des enregistrements audio conçus à cet effet, on peut induire soi-même l’état d’hypnose, à partir d’une relaxation très profonde. On se rend alors réceptif aux suggestions, aux déprogrammations ou aux programmations que l’on désire faire siennes.
On dit que l’hypnose permettrait au sujet de «choisir» ses motivations. D’où une certaine popularité de l’approche en psychothérapie. Mais il n’y a pas de miracles. Le sujet doit être profondément motivé, sinon les suggestions mentales n’auront aucun effet. Le traitement des dépendances, par exemple, est aussi difficile avec l’hypnose qu’avec n’importe quelle autre approche. L’hypnothérapie ne peut malheureusement pas à elle seule induire un dégoût permanent de la cigarette ou du sucre…
L’hypnose est régulièrement utilisée en psychologie et dans le domaine sportif, et se révèle aussi utile dans plusieurs contextes cliniques.
Pour que le processus suive son cours, le sujet doit absolument être volontaire et faire confiance à la personne qui l’hypnotise. Toute consigne qui choquerait ses valeurs serait immédiatement refusée et il sortirait de la transe hypnotique. On ne peut donc pas « contrôler » les facultés mentales du sujet. On ne peut que lui « faciliter » l’accès à un état naturel propice à l’accomplissement d’un travail psychologique ou psychophysiologique.
L’esprit, maître du corps?
Comment les suggestions sous hypnose peuvent-elles intervenir dans les processus physiologiques? On sait que l’hypnose active ou désactive, selon le cas, les régions du cerveau concernées par la suggestion. On sait aussi que toute pensée possède son propre contexte biochimique. On sait enfin que des pensées peuvent induire des événements physiologiques (penser à des aliments savoureux amène à saliver et à produire des sucs gastriques). Mais le reste n’est pas encore bien compris. Notre ignorance en neuropsychologie et en psychobiologie est particulièrement vaste.
L’état d’hypnose est plutôt agréable. Ça ressemble au réveil matinal lorsqu’on se sent dans une bulle, qu’on n’a pas encore envie d’ouvrir les yeux, mais que les perceptions sont déjà claires. Sous hypnose, toutefois, la réalité et les images créées par le cerveau ont tendance à se confondre.
Le mythe du sérum de vérité
Mentionnons finalement que l’hypnose permet effectivement de retourner dans le passé pour retrouver des événements traumatisants qui seraient peut-être responsables de problèmes émotifs ou physiques. Par contre, on sait aujourd’hui – comme l’histoire des faux récits de sévices sexuels au milieu des années 1990 l’a clairement démontré – que ces évocations peuvent n’être que partiellement véridiques. Car lorsque la mémoire rencontre des failles dans la trame des souvenirs – et il y en a toujours, car le cerveau ne peut pas tout enregistrer -, elle fait de la « reconstruction » en pigeant des éléments similaires ailleurs. C’est ce qu’on appelle de la fabulation et ça arrive tout le temps. Même l’hypnose ne peut pas contourner ce problème.
Techniques de l’hypnose
L’hypnose est un état induit. Il existe des techniques rapides (quelques minutes) et longues (jusqu’à une demi-heure). La forme la plus connue est la suggestion : le praticien parle au patient, dont l’attention est focalisée sur un stimulus (mouvement régulier d’un objet par exemple), et le dirige vers un état de conscience modifiée.
Parfois, le patient est amené à penser à de nombreux stimuli successivement, de sorte qu’il se réfugie dans l’état hypnotique (suggéré) comme un havre de paix.
L’hypnose ericksonienne (de Milton Erickson) est une forme particulière, avec induction souple et usage d’un vocabulaire symbolique.
Tous les patients ne sont pas également sensibles à l’hypnose. Et… toutes les techniques ne sont pas également efficaces ! Il convient de se méfier particulièrement de certaines pratiques sectaires n’ayant à voir avec la psychothérapie ni la médecine.
Hypnose et cerveau
Les progrès de l’imagerie cérébrale ont permis de comprendre ce qui se passe dans le cerveau hypnotisé.
On a montré que le cortex préfrontal et le cortex cingulaire antérieur ont une activité ralentie, ce qui expliquerait la moindre perception de la douleur. Le cortex somatosensoriel, qui dessine la carte mentale du corps, peut aussi voir son activité neurale modifiée.
L’attention (mémoire de travail et traitement des informations externes) ainsi que la mémoire semblent également modifiées dans certaines transes hypnotiques. La moindre défense du sujet permet alors le bon déroulement de la psychothérapie.
L’avis de l’expert : « L’hypnose permet un travail de fond »
Pr Antoine Bioy, Professeur de psychologie clinique et psychopathologie (université de Bourgogne, Dijon), docteur en psychologie et responsable scientifique de l’Institut Français d’Hypnose (Paris).
« La dépression est l’un des principaux motifs de consultation en hypnothérapie. Mais l’hypnose ne s’envisage pas comme une prise en charge unique, sans un diagnostic établi par un médecin ou un psychologue. L’hypnose s’avère être une très bonne thérapie dans la dépression car elle permet de travailler sur sa cause. Les médicaments seuls ne constituent pas une réponse suffisante, même s’il peut y avoir un intérêt à diminuer certains symptômes. Dans la dépression il existe toujours un noyau central, c’est la question de la perte. La personne vit une expérience de perte insupportable (deuil difficile, séparation complexe, perte d’emploi touchant au sentiment d’identité…). Grâce à l’hypnose, le patient revisite le lien avec ce qu’il a perdu, et modifie la façon dont il se positionne par rapport à cet événement douloureux. Ce travail se fait à l’aide de suggestions et de métaphores construites pour le patient, dont les effets seront facilités par l’état hypnotique. Plutôt que par la parole, l’hypnose permet un travail qui passe par les perceptions et les sensations corporelles. En effet, souvent, les patients ressentent les signes de la dépression avant tout par leur corps : par exemple la sensation de lourdeur, qui accompagne un ralentissement moteur (marche plus lente, etc.). La mise sous hypnose permet de se focaliser sur cette sensation de lourdeur et, sans la nier, d’une part de retrouver des sensations plus légères, et d’autre part de travailler sur les événements qui induisent cette lourdeur, ce qui permet généralement de relier la dépression actuelle à l’événement déclencheur. »
Quel thérapeute choisir ?
Il doit être un spécialiste du psychisme : psychiatre, psychologue ou psychothérapeute, médecin ayant suivi des formations universitaires en psychothérapie, hypnothérapie. Chaque Agence Régionale de Santé tient à jour un registre de ceux dont les diplômes ont été vérifiés.