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Rencontre avec Vladimir Cosma

«La musique est un art abstrait, elle ne dit pas des choses précises, c’est un peu un caméléon. ». Vladimir Cosma nous a accordé un peu de son temps lors de son passage à Nantes l’an passé. Celui-ci a essayé de nous résumer son immense carrière en y ajoutant des anecdotes croustillantes ! On vous laisse donc savourer.

Le choix des films
Vladimir Cosma : « Le cinéaste vient à moi pour me proposer de faire la musique de son film. Il fait donc le premier pas, on a la possibilité de refuser. Ce n’est pas nous qui allons les chercher, le bouche à oreille fait le travail.
J’ai commencé à travailler pour Michel Legrand (ndlr Les demoiselles de Rochefort, Jamais plus jamais).
Beaucoup de musiques de films sont indispensables à la création du film. Prenons les danses dans Rabbi Jacob ou dans La Boum, elles devaient forcément être enregistrées avant le film comme il y a une chorégraphie. La musique est un art abstrait, elle ne dit pas des choses précises, c’est un peu un caméléon. Je déteste d’ailleurs la musique descriptive, la musique doit s’adapter en gardant un petit décalage malgré tout.
Dans Le Grand Blond avec une chaussure noire, on m’avait demandé de faire un « pastiche » de James Bond pour l’arrivée de Pierre Richard dans l’aéroport. Je n’ai jamais aimé faire des musiques caricaturales. Un espion n’est pas forcément « James Bondien », la musique finale est inattendue et fait partie intégrante de la scène. Le film a fait un bide lors de sa première projection, le scénariste Francis Veber trouva la musique inadaptée : « la musique tue le comique du film ». J’étais effondré après ça, c’est un grand scénariste mais il ne comprenait rien à la musique de ce film. La musique est finalement restée et le succès de celle-ci fut énorme à la sortie du film au point que Veber est finalement venu m’engager sur d’autres films.
Dans Un éléphant ça trompe énormément, Jean Rochefort aperçoit Annie Duperey dans un parking et pour cette scène on m’a donc demandé de faire une musique romantique. C’est censé être l’apparition de la femme de sa vie, j’ai donc pensé au paradis. Je voulais intégrer des bruits de mer et de mouettes car le paradis me fait penser à une île. C’est ces idées en décalage qui me semblent les plus intéressantes. Yves Robert (le réalisateur ndlr) m’appelle après le mixage du film pour me dire qu’il a enlevé les bruitages de la mer et des mouettes de ma musique. Il avait peur de louper la première scène du film et il trouvait ma musique très bien sans ces bruitages. J’étais véritablement vexé. J’apprend que quelques jours plus tard, une projection d’extraits du film sera diffusée devant des professionnels. Je l’appelle et lui propose de laisser la musique originale pour voir ce que cela rendra tout en lui rappelant l’histoire de la musique de Le Grand Blond avec une chaussure noire. Il accepta finalement et la salle a éclaté de rire dès la première scène ! J’ai fait entre 300 et 1000 musiques de films. (rires) »

Les films étrangers
VC : « J’ai fait des musiques pour des films étrangers mais très rarement. Je ne prend pas l’avion donc pour les films américains ou autres, ce sont eux qui se sont déplacés en France. J’enregistre soit à Paris soit à Londres.
L’Amérique ne me tentait pas, j’ai déjà immigré en France cela me suffisait. À une époque de ma vie, j’allais tous les ans 3 mois aux Etats-Unis pour des tournées mais je déteste les américains ! Rien ne m’y intéressait mis à part le jazz. L’esprit français est un peu plus proche du mien. »

Les refus
VC : « Je me suis trompé sur plusieurs films oui. J’ai refusé La 7ème compagnie notamment ! Cela ne correspondait pas au style de comédie que je faisais. J’avais peur de baisser de standing et la politique rentrait un peu en jeu également. Quand j’ai travaillé avec Zidi (Les Charlots), on m’a d’ailleurs demandé plusieurs fois pourquoi j’avais fait ce choix. »

La confiance
VC : « On passe à chaque film un nouvel examen. Ce n’est jamais acquis d’avance. Plus on travaille avec un réalisateur plus il faut le surprendre. Il ne faut surtout pas tomber dans la routine et copier le précédent film.
Pour L’As des As, j’étais en concurrence avec Morricone qui avait fait la musique de Le Professionnel. L’agent de Morricone avait beaucoup de poids. Mais Gerard Oury me voulait car une des scènes ressemblait un peu à celle de Rabbi Jacob, il ne voyait donc que moi pour faire sa musique. Dans la plupart des films il y a des « batailles » comme celle-ci. J’ai rencontré Morricone une seule fois en Pologne lors d’un grand festival de musique de films mais il ne parle qu’italien… »

Coups de coeur
VC : « Alexandre le Bienheureux, le premier film auquel j’ai participé. La Boum, on a vendu 29 millions de disques dans le monde entier. »

Richard Sanderson
VC : « J’ai fait des auditions de jeunes chanteurs pendant 6 mois. Je cherchais un chanteur « sans trop de voix »… Je ne voulais pas une voix connue afin que la voix se fonde dans la musique. J’écoutais des dizaines de cassettes de jeunes. Je devais prendre Michael Franks mais il était chez Warner et cela a compliqué la tâche. Finalement je suis tombé sur une voix sur l’une des cassettes qui m’a convaincu et c’était celle du chanteur anglais Richard Sanderson. »

Le temps
VC : « Le thème de La Boum, je l’ai fait en une matinée car je n’avais pas le temps. La musique devait se faire avec Michel Polnareff mais il était exilé en Amérique suite à ses problèmes fiscaux. Il envoyait donc des maquettes mais ça ne plaisait pas et le contact était difficile entre eux. Ils m’ont donc appelé ensuite pour me pousser à la faire et j’ai fait une maquette rapidement qui leur a plu. La réalisation de cette musique m’a pris presque 8 mois. Tout dépend des délais également, certaines musiques doivent être faites en deux mois ! »

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard
Merci à O Spectacles : www.ospectacles.fr