La basilique Saint-Donatien a été sous le « feu » des projecteurs il y a quelques mois. En effet le bâtiment dont la toiture a été ravagée par les flammes, est un des hauts lieux historiques de la chrétienté dans l’ouest de la France. Les images circulent sur les réseaux sociaux, accompagnées de messages de dépit. À Nantes comme ailleurs, l’histoire bégaye parfois : la cathédrale avait brûlé en 1972, à cause d’un chalumeau mal éteint lors de travaux de rénovation…
Son histoire
L’église est implantée au coeur d’un quartier au catholicisme encore vivant. « Cette basilique témoigne du regain catholique de la ville qui s’étend de la seconde moitié du XIXe jusqu’à la séparation de l’Église et de l’État en 1905 », explique Philippe Josserand, maître de conférences à l’université de Nantes et administrateur de l’association Nantes Histoire. Si la construction de ce bâtiment néogothique à la crypte néo-romane a débuté en 1872, la présence d’une basilique à cet endroit est attestée depuis le Ve siècle. Elle prend d’ailleurs le nom des « enfants nantais » Donatien et Rogatien, deux chrétiens martyrisés au IVe siècle sur ce même lieu. Les 2 premiers chétiens connus à Nantes.
Selon la tradition chrétienne, ils sont suppliciés à Nantes, durant le règne de l’empereur Maximien, sans doute en 304, (date du quatrième édit de Dioclétien), pour n’avoir pas voulu renier leur foi. Ils sont couramment appelés les enfants nantais.
Datant du xixe siècle, la basilique, également composée d’un cimetière et de la chapelle Saint-Étienne, est protégée au titre des monuments historiques.
L’édifice s’élève à l’emplacement d’une ancienne villa gallo-romaine. Des fouilles effectuées en 1873 mettent à jour un ancien cimetière païen, une fosse au centre de l’abside contenant 27 clous attribués aux cercueils des deux martyrs et révèlent que quatre églises furent successivement bâties.
La promulgation de l’édit de Constantin, neuf ans après leurs mort, voit se développer un culte autour des corps des deux frères morts en martyrs, d’abord disloqués sur le chevalet, fouettés puis menés hors de la cité non loin de l’actuelle basilique, au niveau du no 63 rue Dufour, où un bourreau leur enfonce un javelot dans la gorge ( !) puis leur tranche la tête (deux croix de pierre marquent le lieu de leurs exécutions). Selon la tradition, leurs corps sont placés, 21 ans après leur mort, dans un sarcophage en marbre gris des Pyrénées, mesurant 2,25 mètres de long et 75 centimètres de large. Les reliques attirent alors des pèlerins, nécessitant la création d’une « Garde d’honneur » constituée des moines de Saint-Martin. La paroisse est depuis lors considéré par les nantais comme une « terre sainte ».
C’est l’architecte Émile Perrin, le frère du curé de Saint-Père-en-Retz dont il est également en train de construire l’église, qui dresse les plans d’un sanctuaire dans le style néogothique primitif, et Louis Liberge, fils de l’architecte François Liberge, le constructeur de l’église Saint-Clément de Nantes, ordonne les travaux qui débutent le 10 octobre 1872 par le creusement des fondations et vont durer près de trente ans.
Le 13 juin 1881, on commence la construction de la façade inspirée par celle de Notre-Dame de Paris. Les travaux sur la façade achèvent l’édifice en 1901, celle-ci recevant deux tours jumelles d’une hauteur de 44 mètres mais dépourvues des deux flèches initialement prévues.
Il faut attendre l’année 1902 pour que l’église reçoive enfin ses dix cloches, pesant chacune entre 291 et 4 614 kg. La sonnerie du carillon de l’horloge reproduit le célèbre air des Westminster Quarters, le carillon du Palais de Westminster, le siège du parlement britannique à Londres.
Le 15 juin 2015, un violent incendie ravage les trois quarts de la toiture. Selon le directeur départemental de la sécurité publique, le sinistre aurait pris accidentellement alors que deux ouvriers-couvreurs travaillaient à la réfection du bâtiment, réparant un cheneau en plomb à l’aide d’un chalumeau.
La basilique donne sur une petite place arborée de forme rectangulaire où se trouve une statue équestre de Jeanne d’Arc, œuvre de Charles-Auguste Lebourg, datant de 1906, est placée en son centre. L’ensemble constitue un quartier très agréable avec une ambiance de village à quelques pas du centre de Nantes, il y a d’ailleurs plusieurs programme immobilier en construction dans le quartier.
Patrimoine religieux : qui paie quoi ?
Retour sur ce que dit la loi de 1905.
«La République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte». L’article 2 de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat est clair. Il stipule que l’Etat français renvoie le religieux à la sphère privée, et ne finance donc aucun culte sur son territoire, et ce, quelle que soit la religion.
L’Etat est propriétaire des édifices anciens…
Première conséquence de cette loi, les édifices religieux (synagogues ou églises) bâtis avant 1905 sont devenus propriétés de l’Etat, qui les prête gratuitement aux églises. De fait, l’Etat est tenu de financer la restauration et l’entretien des bâtiments à ses propres frais.
A l’exception des frais de fonctionnement, les travaux sont donc à la charge des collectivités. D’où la multiplication de référendums locaux pour lancer une réhabilitation, comme à Plounérin dans les Côtes d’Armor, ou statuer sur une éventuelle «déconstruction», comme à Saint-Chamond dans la Loire. Un scénario qui avait finalement été écarté.
…mais n’aide plus à la construction
Il n’en va pas de même pour les édifices érigés après 1905, dont l’entretien revient en revanche aux organisations cultuelles concernées. Le plus souvent, l’argent provient des dons des fidèles, ou de pays où il n’existe pas de loi sur la laïcité. Ainsi, le Sénégal, le Maroc ou encore l’Arabie Saoudite apportent leur aide financière à la construction de la nouvelle mosquée de Marseille.
Les institutions religieuses ne peuvent donc pas demander d’argent à l’Etat, ni pour rénover, ni pour construire de nouvelles infrastructures. A Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon, les quatre millions d’euros nécessaires à la construction d’une nouvelle église viendront par exemple du diocèse de Lyon, qui a commencé à vendre d’autres lieux de culte, plus anciens, pour financer ses travaux.
Les «arrangements» existent
Pourtant, face au manque de lieux de culte, notamment musulmans, certaines collectivités territoriales emploient des truchements pour épauler les organisations cultuelles.
Premier sur la liste, l’emploi de la loi de 1901. La législation française autorise ainsi l’Etat à financer des associations culturelles. Des locaux, qui ont comme vocation originelle la culture, mais qui hébergent un lieu de culte, peuvent ainsi recevoir des financements publics. Un tel procédé a été employé par exemple pour la cathédrale d’Evry : un centre d’art sacré, situé dans l’enceinte de l’édifice, avait bénéficié en 1990 d’une subvention d’Etat de 5 millions de francs (899.350 euros).
Autre manière de contourner la loi, le «bail emphytéotique». L’Etat attribue un terrain à une organisation religieuse pour la somme symbolique d’un euro. En contrepartie, l’institution cultuelle verse un loyer dérisoire à la municipalité.