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Sur les traces de Gilles de Rais

Gilles de Rais (ou de Retz) est identifié dans la légende comme le célèbre « Barbe Bleue » (avec Henri VIII d’Angleterre également), en effet ce personnage mystique mais bien réel est connu pour ses crimes et le châtiment qui fut prononcé.

Mais qui était le véritable Gilles de Rais ?
Né en Anjou, issu d’une illustre famille noble et chargé de nombreux titres, il s’agit d’un véritable grand de l’histoire de France qui connut une fin tragique et fut éxécuté à Nantes en 1440.
Chevalier et seigneur de Bretagne, d’Anjou, du Poitou, du Maine et d’Angoumois, baron de Retz, il se rallie lors de la guerre de 100 ans au camp du roi Charles VII et du grand chambellan Georges Ier de La Trémoille, son propre cousin et allié. Il est ainsi amené à combattre les Anglais aux côtés de Jeanne d’Arc. Grâce à son courage militaire, il est promu Maréchal de France le jour du sacre royal de Reims (17 juillet 1429).
Mais Gilles de Rais vit dans un luxe somptueux et est accusé par sa famille de dilapider leur fortune et leur patrimoine. Ainsi, Tentant de récupérer par la force la châtellenie de Saint-Étienne-de-Mer-Morte pour la revendre, le jour de la Pentecôte ou au lendemain de cette fête religieuse, le 15 ou le 16 mai 1440, Gilles de Rais place en embuscade une troupe de cinquante à soixante hommes dans un bois voisin de Saint-Étienne-de-Mer-Morte. Le maréchal pénètre en armes dans l’église paroissiale et interrompt la grand-messe de l’officiant Jean Le Ferron, injuriant ce dernier et menaçant de le tuer avec une guisarme (une arme parente de la Hallebarde) s’il ne sort pas du sanctuaire. Effrayé, le clerc tonsuré s’exécute en emboîtant le pas du marquis Lenano de Ceva, capitaine piémontais au service de Gilles. Après avoir ouvert les portes du château de Saint-Étienne-de-Mer-Morte à ses agresseurs, Jean Le Ferron y est incarcéré avec un receveur et Jean Rousseau, sergent général du duché de Bretagne.
Gilles de Rais porte simultanément atteinte aux majestés ducale et divine. En violant les immunités ecclésiastiques, il commet un sacrilège et encourt l’excommunication111. Qui plus est, l’église de Saint-Étienne-de-Mer-Morte se situe dans le diocèse de l’évêque de Nantes, Jean de Malestroit, chancelier du duc Jean V de Bretagne.
Le duc breton condamne son vassal à rendre la place forte à Jean Le Ferron sous peine d’avoir à payer une amende de 50.000 écus d’or. Gilles de Rais fait alors conduire son prisonnier à Tiffauges, forteresse poitevine située hors de la juridiction bretonne.
Probablement peu de temps après, une enquête secrète est lancée sur les rumeurs qui courent à l’encontre de Gilles de Rais. Le 29 juillet 1440, les résultats de l’enquête ecclésiastique sont publiés sous forme de lettres patentes par l’évêque Jean de Malestroit : Rais est accusé par la rumeur publique de viols et meurtres commis sur de nombreux enfants ainsi que d’évocations et d’actes démoniaques.
Suite à son arrestation le 15 septembre 1440, Gilles de Rais comparaît devant la cour séculière de Nantes, présidée par Pierre de l’Hôpital, président et juge universel de Bretagne, grand officier du duc Jean V. Le baron doit répondre des chefs d’accusation relatifs aux assassinats d’enfants et à l’attentat de l’église de Saint-Étienne-de-Mer-Morte suivi de l’occupation du château.
Lors de son procès , Gilles de Rais s’emporte et se révolte, ce qui entraîne en réaction son excommunication par l’évêque qui préside le procès. Cette excommunication l’effraie, et il se résout alors à faire des aveux en échange de la levée de cette sanction, ce qui lui est accordé.
Gilles de Rais alors surprend le tribunal, et même les familles des victimes, en ceci qu’il n’est plus le monstre satanique comme on l’a soutenu mais plutôt un « Saint pécheur » intégralement tourné vers le « Salut ». Voici ce qu’écrit à ce propos le compte-rendu de la séance du 15 octobre : Il [Gilles] confessait les crimes et délits connus et méchamment perpétrés ; et des injures et outrages ci-dessus audit évêque de Nantes, à Frère Jean Blouin, vicaire, et autres ecclésiastiques, desquels il avait mal et indiscrètement parlé, humblement et en pleurant demanda leur bienveillance et dit s’en repentir. Suite à l’audition des témoins, Malestroi et Blouyn décident le 20 octobre d’envoyer Gilles à la torture pour “la question canonique”. Comme pour Jeanne d’Arc en 1431, Gilles demande et obtient un report…
Le jugement est prononcé le 25 octobre 1440 au château du Bouffay par le tribunal présidé par le juge universel de Bretagne, Pierre de l’Hôpital. Gilles de Rais a été excommunié pour « apostasie hérétique […] évocation des démons […] crime et vice contre nature avec des enfants de l’un et de l’autre sexe selon la pratique sodomite ». La sentence de la cour ecclésiastique reproche à Gilles de Rais cent quarante meurtres « ou plus » tandis que la sentence de la cour séculière n’arrête pas de chiffres. Gilles de Rais et ses deux valets sont condamnés à être pendus, puis brûlés. À sa demande, le tribunal lui accorde trois faveurs : le jour de l’exécution, les familles des victimes pourront organiser une procession, il sera exécuté avant ses complices et son corps ne sera pas entièrement brûlé pour être inhumé. Son corps est enseveli dans l’église du couvent des Carmes, à Nantes. Ce couvent et le monument funéraire dédiés à sa mémoire seront détruits durant la Révolution française, et son corps sans doute jeté dans la Loire.

Le mythe du monstre Barbe Bleue
Dès 1432, de jeunes garçons commencent à disparaître dans les villages autour du château fort de Champtocé-sur-Loire, où Gilles s’est installé. C’est un fils de Jean Meudon (12 ans), un autre de Jeanne Bonneau (8 ans), Jeannot Roussin (9 ans) et bien d’autres… La liste est longue, trop longue. Tous sont les victimes des rabatteurs du baron. Entre autres choses le baron les décapite, jouissant de leur souffrance. Il se pâme devant les mignonnes têtes coupées dont la beauté décuple sa folie. “Quand, dans la grande cheminée, Gilles regarde les restes de l’enfant, dans un lit de flammes, devenir peu à peu des cendres, avec l’horrible grésillement de la chair qui brûle, il sent en lui gronder le rire et le plaisir d’avoir trouvé, dans le paroxysme et la terreur, l’orgueil d’avoir fait ce que peut-être avant lui nul autre n’avait osé”, écrit Michel Bataille. Accès de folie, tueur en série ou complot de ses puissants ennemis, les actes d’accusation ont mentionné des dizaines d’ossements dans les fosses de ses châteaux. Gilles de Rais fut l’un des principaux bâtisseurs du site de Tiffauges au XVe siècle et mena de nombreuses modifications architecturales de la forteresse (création du châtelet et du logis, refonte du donjon), l’impressionnant Donjon de Pouzauges marque aussi sa puissance militaire dans la région.
S’adonnant à l’alchimie pour transformer le plomb en or afin de retrouver sa fortune perdue dans des frasques inimaginables, Gilles de Rais a tout fait pour entrer dans la légende qui lui attribue des pratiques de sorcellerie et de messes noires, sur fond de sacrifices humains.
Par une assimilation populaire de ce personnage historique à une figure fictive de la tradition orale immortalisée en 1697 par Charles Perrault, les ruines de Tiffauges ont été nommées à partir de l’époque romantique « château de Barbe Bleue ».